Union pour l’Enfance

Protéger l’enfant, faire éclore l’adulte.

L’appel de 1887 de Pauline Kergomard pour la protection de l’enfance !

Chers français,

Sous cette rubrique : « Les enfants martyrs » les faits divers et les comptes rendus des tribunaux nous racontent tous les jours des crimes odieux. Un jour, c’est une femme qui renferme son bébé dans un placard privé de lumière, d’air, de nourriture et des soins les plus élémentaires.

La veille, c’était un homme qui brisait, à coups de chenets, les membres de son fils âgé de trois ans ; une autre fois, le mari et la femme, associés pour cette infamie, tenaient leur enfant dans une espèce de soupente, blotti dans une caisse trop étroite, le corps plié en deux et « baignant dans ses ordures; » […]

Tout ce que la férocité a de plus terrifiant, tout ce que la cruauté peut imaginer de plus odieux, on le trouve dans ces lugubres histoires ; il semble que toutes les variétés existent dans l’espèce des parents dénaturés et des exploiteurs d’enfants […]

Ceux-ci martyrisent sous prétexte de « correction salutaire » et croient ou font semblant de croire qu’ils exercent non seulement un droit, mais un devoir, un sacerdoce. Ceux-là martyrisent par simple bruterie. […] et le passant s’attendrit à la vue d’un être pâle, chétif, affamé, estropié, râlant…

Ajoutez à cela une autre série d’enfants martyrs : ceux que l’on déprave, et votre conscience sera révoltée, et votre âme sera meurtrie, et vous aurez honte pour le pays dans lequel de telles turpitudes se commettent, et vous aurez honte pour l’humanité.

Deux députés : MM. Belle et Yves Guyot, ont proposé, en mars dernier, de modifier le Code pénal pour que, désormais, les crimes contre les enfants puissent être frappés de peines égales (ce n’est à notre avis qu’un minimum), à celles qui atteignent les crimes contre les adultes.

Ce n’est pas assez de féliciter ces messieurs de leur généreuse initiative, il faut encore s’associer à eux pour obtenir du pouvoir législatif, et le plus tôt possible, qu’il soit donné suite à leur proposition ; tout délai est funeste : les crimes deviennent tous les jours plus nombreux et plus atroces.

Mais si la loi punit le criminel, elle a quelque peine à le découvrir […] ; la lâcheté des voisins se fait leur complice ; aussi les arrestations sont-elles peu nombreuses, elles sont toujours tardives, et les malheureux petits martyrs profitent rarement de leur délivrance […].

C’est pourquoi l’initiative individuelle doit se faire la vigilante auxiliaire de la loi ; elle doit aussi en combler les lacunes en créant une société protectrice de l’Enfance, qui cherche et découvre ces monstruosités pour les faire cesser, et surtout qui les pressente pour les prévenir ; car il s’agit moins ici de faire punir le crime que de le rendre impossible.

Théoriquement, la « Société du sauvetage de l’Enfance » se proposerait d’étudier les moyens légaux propres à protéger efficacement les enfants contre les parents dénaturés, et à les leur enlever définitivement lorsque ces parents auraient mérité ou subi une condamnation pour mauvais traitements, cruautés, exploitation systématique et dépravation flagrante.

Pratiquement, la « Société de sauvetage de l’enfance » se donnerait pour tâche de surveiller les rues, d’explorer les garnis et les quartiers besoigneux, où la misère et la promiscuité engendrent les querelles, la haine et la démoralisation […] pour prévenir des abus […].

Pour atteindre ce but, il faut beaucoup de dévouement et beaucoup d’argent ; nous demandons l’un et l’autre à tous ceux qui sont, comme nous, désolés et indignés des crimes qui se commettent contre les enfants et qui sentent leur responsabilité engagée à les combattre et à les empêcher.

Nous recevrons avec reconnaissance toutes les adhésions morales que l’on voudra bien nous envoyer, nous réservant de recueillir des souscriptions, lorsque nous serons en nombre pour composer un bureau et discuter des statuts.

Caroline de Barrau,
10, avenue de Tourville,
Pauline Kergomard, Inspectrice générale des écoles maternelles,
Membre du conseil supérieur de l’instruction publique,
53, avenue des Gobelins.

On a besoin de vous !

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